« La pratique de Tamara Morisset ne semble être que textures – fourrure ébouriffée d’un épagneul, corne fendue d’un talon juvénile, tuiles en terre-cuite craquelées par le temps, peau de tomates momifiées par le soleil d’été… Ces textures – on aurait envie de dire ces « touchés » – sont rendus dans différents médias, ajoutant à leur rugosité ou douceur matérielle le grain de la photographie ou l’immanence de la sculpture. Mais, dans tous les cas, hors de question d’y mettre la main ; en art, et ici en particulier, le sens régit par la peau ne se transmet que par les yeux. Souvent, ce sont ses images qui mènent aux installations – comme pour réduire la distance entre l’expérience et le vu. »
(…)
« Ses œuvres inviteraient-elles à sauter le pas qui sépare la vie des œuvres… ou la nature de la culture ? Cette proposition semble alléchante lorsqu’on se penche sur les titres : SPIGAOU, Nid, Niche… C’est la campagne qui s’invite au cœur du white cube. Dans la photographie Enjamber, on plonge dans la sensualité d’un arbre dont on a l’impression qu’il offre un autoportrait de ses jambes potelées, surmontées d’un buisson presque pubien. Avec les sculptures en avoine sauvage ou orge des rats tressé, un artisanat poétique, presque désuet, invite à une rêverie ancrée dans la terre. Enfin, à l’extrême opposé de la porte d’entrée de la dernière exposition de Tamara Morisset aux Beaux-Arts de Paris, se laisse découvrir une installation noire et blanche, au sol. Si de loin, elle ressemble à des graines à picots tombées là, de près on découvre des fourmis en céramique étrangement enchevêtrées… Une métaphore de la vie, faite d’inexorables tensions qu’il s’agit pourtant de dépasser pour se sentir relié.e.s ? »
Mars 2022 Charlotte Cosson
Sélection d’oeuvres
De gauche à droite :Bruissant à l’horizon, 2023, sculpture. Vue de l’exposition A wall of sugar, 2023, Tour Orion, Montreuil, commissariat Collectif Nest.
Bruissant à l’horizon est une sculpture en rameaux d’olivier issus de la taille hivernale, elle rend hommage aux champs d’oliviers qui, traversés par le mistral, se mettent en mouvement et forment une longue chaîne vivante.
Bruissant à l’horizon, 2023, olivier, 18 mètres. Vue de l’exposition A wall of sugar, 2023, Tour Orion, Montreuil, commissariat Collectif Nest.
Bruissant à l’horizon, 2023, détail.
Photographie préalable à la sculpture : Bruissant à l’horizon – Sanilhac-Sagriès, Décembre 2022.
Mille milieux, 2023, ficelle agricole de coco, 200cm. Vue de l’exposition A wall of sugar, 2023, Tour Orion, Montreuil, commissariat Collectif Nest.
Laisse couler, La faille oblique de la falaise rappelle l’écoulement d’une eau aujourd’hui disparue.
Laisse couler, 2022, photographie, 75×75 cm, tirage chromogène kodak brillant.
L’Enclos, 2021, 4 photographies, 46×70 cm chacunes, tirage chromogène kodak mat, contrecollé sur dibond. Vue de l’exposition Coeur Double, 2022, Pré-Saint-Gervais.
L’Enclos, est une série de photographies produites à partir de la double exposition d’un négatif. Deux prises de vues ont été superposées sur la même pellicule, 5 portraits de chèvres et 5 photographies des toits d’un village. Par un jeu d’échelle et de matière, les chèvres reprennent possession des lieux. Elle apparaissent gigantesques et fantomatiques comme des gardiennes de ce territoire qui était jadis aux animaux.
L’Enclos, 2021, 1/4 photographies.
Pelotes, 2022, céramique, grès noir et blanc émaillés, élastiques, carton, bois 200×150 cm. Vue de l’exposition L’Appel, 2022, Palais des Beaux Arts de Paris, commissariat Eugénie Touzé.
Pelotes, est une sculpture inspirée du rituel du Maraké en Guyane. Les personnes se font piquer par des fourmis, absorbant un venin qui produit un état de transe et de métamorphose du corps. Ces pelotes de fourmis matérialisent la force vitale et l’énergie guerrière du groupe.
Pelotes, 2022, détail.
De gauche à droite : Carapaces, 2022, 5 sculptures, carton ondulé peint, dimensions variables. Pause, 2020, photographie, 135×90 cm, tirage pigmentaire mat contrecollé sur dibond. Vue de l’exposition, Coeur Double – Tamara Morisset & Sol Shin, 2022, atelier Nabuzardan, Pré-Saint-Gervais.
Pause, 2020, photographie, 135×90 cm, tirage pigmentaire mat contrecollé sur dibond.
De gauche à droite : Bogue, 2022, genêt, 50 cm . Carapaces, 2022, 5 sculptures, carton ondulé peint, dimensions variables. Vue d’atelier, 2022, atelier Nabuzardan, Pré-Saint-Gervais.
Bogue, 2021, genêt, 50 cm.
Fourmi dans l’oeil, 2021, 1/12 photographies, 200×135 cm, tirage pigmentaire sur dos bleus.
Fourmi dans l’oeil, 2021, détail.
Fourmi dans l’oeil, 2021, 7 photographies, 200×135 cm, dos bleus marouflé sur les poubelles de tri sélectif de la ville du Pré-Saint-Gervais. Vue de l’exposition, Et vous dansez sans le savoir, 2021, Nabuzardan & Mairie du Pré-Saint-Gervais, Pré-Saint-Gervais.
Lueur rousse, 2019, photographie, 150×100 cm, tirage pigmentaire mat contrecollé sur dibond.